Dr Pierre Sabourin  
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  2011  
     
       
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HIPPOCRATE CENSURÉ PAR L'ORDRE DES MEDECINS (1997)


Sous le pretexte d’une actualisation pour le moins intempestive, le Conseil de l’Ordre des médecins Français a décidé en 1996, dans le cadre d’une commission d’éthique, de modifier le Serment d’Hippocrate, c’est è dire le texte de référence auquel chaque affaire de déontologie est renvoyée.

Une telle décision a des conséquences pernicieuses dans les affaires de plaintes contre les témoins que nous sommes, nous médecins, quand il y a eu présomption de maltraitance ou d’abus sexuel, et que l’abuseur présumé nous attaque. L’Ordre peut en effet s’asssocier à ces plaintes- la plupart du temps abusives- et influencer ainsi le cours du procès.

Ce serment d’Hippocrate, dit aussi serment médical, précise les devoirs du praticien qui constituent sa déontologie mais signale aussi les limites imposées au célèbre "secret".

Curieusement peu de médecins sont capables de citer en entier cette phrase classique; elle mérite pourtant d’être lue et relue:"

…Admis dans l’interieur des maisons mes yeux ne verront pas ce qui s’y est passé , ma bouche taira les secrets qui lui seront confiés, mon état ne servira pas à la corruption des mœurs ni à favoriser les crimes."
Si elle est si mal mémorisée surtout dans sa dernière proposition c’est bien qu’il est question du crime et même des crimes.

Le médecin qui termine ses études, sauf exeption, ne veut pas entendre parler d’horreurs criminelles; il n’en a d’ailleurs pratisquement pas entendu parler au cours de ses études. Il ne sait pas qu’il sera confronté aux familles maltraitantes et à leurs camouflages et mensonges en tout genres, surtout s’il est généraliste, pédiatre, psychiatre, ou gynécologue. Si plus tard sa pratique ne lui ouvre pas les yeux il est capable de ne jamais repèrer une histoire d’inceste. Quant à témoigner en justice pour défendre une victime, c’est sa conscience qui en décidera.

. La phrase citée ci-dessus avait pourtant de quoi satisfaire tout un chacun dans la mesure où ces notions de mœurs et de crimes n’étaient pas précisées. En effet ces notions sont culturellement changeantes, l’avortement par exemple, crime dénoncé et puni de la peine de mort, encore dans les années 40 est dépénalisé aujourd’hui, le délai de l’IVG allongé etc..

En bref, la formulation semblait de nature à ne pouvoir géner personne. Pourquoi , alors, supprimer ce mot, certes désagréable de " crime"?…

Car notre Conseil de l’Ordre est passé à l’acte en 1996 en produisant ce serment nouveau, sans le moindre commentaire. J’ai acheté un an plus tard chez Maloine une édition très élégante de ce Serment, datée 1997, qui contiend le texte originel, ainsi qu’ une introduction de haute tenue signée du Professeur en Epistémologie A.C.Masquelet, centrée sur le texte actuel du serment médical dont la phrase classique est encore entière, avec aussi cette précision dont on appréciera la subtilité: "texte actuel dans sa forme la plus courante"

"Voici la rédaction de ce nouveau serment réactualisée par le Pr Bernard Hoerni:

…Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me sont confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respacterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances ….
Chacun appréciera l’interêt de la féminisation. Mais s’appercevra –t-on de l’escamotage parfait qui est réussi par la censure radicale de la formule, la castration du texte fondateur, l’ amputation des mots essentiels ( ne pas favoriser les crimes)? Comment interpréter cette élimination de "Mon état,( transformé en ma conduite), ne servira pas à favoriser les crimes.

Serions nous en face d’ une nouvelle déontologie qui pourrait se qualifier de liturgique?,,,,

Aurait- on oublié que les viols sont des crimes?

Car c’est bien de çela qu’il s’agit quand on entend les Evêques se protéger derrière leur secret professionnel, eux qui font référence en public à une justice divine. On a de quoi s’inquieter quand le secret médical est abusivement utilisé face aux affaires de pédophilie, et que la suggestion de certains médecins aux plaignantes et à leurs familles désemparées est de se taire (voir l’affaire de Cormeilles), ou que l’ensemble de la communauté villageoise, médecins y compris, entretiend le silence de complicité avec l’abuseur pédophile pendant de longues années (Cosne sur Loire).

Pourquoi le médecin ne prend-t-il pas conscience de son devoir d’"être le défenseur de l’enfant"? C’est pourtant inscrit dans notre Code déontologie ( article 43) et dans notre Code Pénal ( article 226-14) qui régit les exeptions à la levée du secret par les professionnels, dès qu’il ya une "présomption"?

Que devient la Protection de l’enfance si les médecins se taisent?

On comprend l’intêret de la lecture de l’ouvrage très documenté, intitulé "Quand l’Ordre règne" recemment paru, qui donnait l’occasion d’un débat le 14 Juin 2001, sur France Inter, en présence des auteurs Richard Vargas et Caroline Barth et de certains représentants de l’Ordre.

Esperons que l’ouverture faite par cette enquête face aux mille et un dysfonctionnements de cette machine Ordinale, véritable "Etat dans l’Etat", (comme le désignait dès 1975 la Commission des lois qui visait à sa suppression), permettra une véritable transformation de cette orthodoxie traditionnelle qualifiée déjà de " réactionnaire et paternaliste".

Ce projet de loi qui n’a jamais vu le jour était pourtant signé par des hommes politiques de gauche toujours en fonction …Vont-ils s’en souvenir?

Aujourd’hui les Parlementaires sont saisis de ces problèmes et devraient mettre en place une protection juridique cohérente des médecins quand ceux-ci rédigent des signalements ou des certificats au Procureur et qu’il s’agit de présomption de maltraitance c’est à dire de violence intra-familiale, incestes impensables au premier abord. C’est dans ces cas là au diagnostic difficile, quand existe une présomption d’atteintes sexuelles (des délits) ou de viols (des crimes), comme les fellations imposées sous la menace à un enfant de moins de quinze ans, que ces faits présumés doivent être sans delai signalés au Procureur. Supprimer cette notion de crime est une action nuisible. C’est la justice Républicaine du Droit commun qui doit prévaloir.

NOTE de janvier 2004 :

Au JO n°2 du 3 janvier 2004, la loi relative à l'accueil et à la protection de l'enfance est modifiée. Dans les dispositions relatives au signalement des actes de maltraitance (article 11), c'est le Code Pénal lui-même qui est modifié en son article 226-14. La modification principale est la suivante :

"Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire."

Avis à tous les médecins concernés! Qu'on se le dise! C'est une victoire dans la lutte menée par quelques-uns d'entre nous...

 
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