Dr Pierre Sabourin  
  Article  
     
     
     
     
     
  2011  
     
       
Accueil
 

JENNY LODÉON ET SA VOIX (2002)

Sur la pointe de ses escarpins, à son habitude, avec élégance et discrétion, JENNY nous a quitté. Elle a été de tous nos soucis comme de tous nos espoirs depuis les années 70, quand débutait l'aventure du Quatrième Groupe et de ses groupes de travail, quand la psychanalyse en effervescence cherchait les repérages théorico-cliniques auprès de Perrier ou d'Aulagnier.

Neuropsychiatre et ancien chef de clinique médicale infantile à la faculté, JENNY LODÉON cherchait aussi du côté de l'haptonomie un contact plus direct avec les détresses corporelles, ce qui a su pendant des années la tenir en lisière de nos recherches, sans que jamais elle ne s'éloigne de nos rencontres mensuelles, autour de l'oeuvre de Ferenczi. Dans ce groupe nous cernons régulièrement ces difficultés que la psychanalyse rencontre dès que l'on recherche sur des voies difficiles, aux confins de la psychopathie des perversions parentales et des conséquences psychotiques.

Grande lectrice des oeuvres classiques JENNY a su tirer des "Années d'apprentissage" de GOETHE une passionnante étude psychanalytique centrée sur la famille de MIGNON et les incestes qui en constituent la trame inter générationnelle, "un puzzle psycho-historique" écrivait-elle. D'autres figures expiatoires l'ont intrigué au point de leur consacrer tout un développement dans un ouvrage édité par ses soins aux Edifions RELIER, en 1998 et qu'elle intitulait, reprenant l'apostrophe censurée de Freud

Que t'a t on fait pauvre enfant?

JENNY y commente aussi La Chanson de Roland, fils de Charlemagne et de sa demi-soeur, Bernardin de Saint Pierre, où elle écrit que: ' La résurgence d'une sexualité refoulée révèle les interdits sociaux latents"; plus loin les textes de Barbey, "un prêtre marié" et "Lasthénie" célèbre par ce manque de signifiant de son "histoire sans nom" et qui meurt après l'accouchement de son enfant mort, fruit du viol du capucin, morte à 18 ans avec 18 aiguilles qu'elle s'était enfoncé dans le coeur .

Déjà en 97 JENNY publiait sur Milton Frickson un bel ouvrage " Le pouvoir de la parole" où elle savait condenser les exemples fulgurants d'Erickson, ses stratégies de base, ses thérapies brèves, et associait sur les discours hypnotisants, d'Antoine dans la tragédie jules César, ou les discours totalitaires d'aujourd'hui.

Déjà en 95 elle proposait l'interview d'une prostituée " Histoire de Violette ou Comment s'en sortir", préfacée par mes soins "Violette violée" où je reprenais les mois d'André Breton pour Violette Nozières; datant de 1933 :

"... Ce que tu fuyais tu ne pouvais le perdre que dans les bras du hasard, qui rend si flottantes les fins d'après-midi de Paris, autour des femmes aux yeux de cristal fou, livrées au grand désir anonyme auquel fait merveilleusement uniquement, silencieusement echo pour nous, le nom que ton père t'a donné et ravi."

Cherchant à lutter contre les maltraitances à enfant, contre les harcellements aux personnes âgées ou handicapées, JENNY était en train d'élaborer une expertise par rapport à des débordements érotiques dont une femme adulte avait- été victime de la part d'un thaumaturge indélicat, quand l'hypnose professionnelle a pu se faire abus de pouvoir. De son écriture manuscrite si enlevée et difficile à déchiffrer, elle faisait, encore en Mars dernier, un commentaire des travaux du professeur Sernheim datant de 1888, pour appuyer sa démonstration par ces exemples historiques de conduite hypnotique d'un abuseur.

La voix de JENNY, parfois cassée par l'émotion ou la révolte, indignée souvent des malveillances qui scandent nos professions, cherchait à s'offrir sur la scène culturelle pour soutenir des voix moins sthénique6 que la sienne, pour que ces voix étouffées puissent se faire entendre, voix de victimes et voix d'handicapés par la psychose et le malheur ou sous l'emprise de la maltraitance sans foi ni loi.

En ma qualité de Président de cette Associaton RELIER qu'elle animait depuis des années, et comme secrétaire du Groupe de travail dont elle était une, des premières participantes par sa curiosité sans relâche et ses élaborations cliniques, notre deuil s'inscrit ici naturellement dans les colonnes du Coq Héron, où JENNY avait su trouver l'accueil à la mesure de son talent.

Paris, 11 juin 2002

 
CV
   
Bibliographie    
Nouveau    
Contact    
     
     
     

Droit et soins
contre les
violences

   
     

Centre des
Buttes-
Chaumont

   

 

   

Quatrième
Groupe