Dr Pierre Sabourin  
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OPINION  D’UN MÉDECIN CONCERNÉ PAR UN CERTAIN  DÉSORDRE MEDICAL (2004)

ou Quand l’ordre National corrige le  tir

À propos du Colloque ENFANCE MALTRAITÉE : COMMENT FAIRE FACE ?
Palais  du Luxembourg, PARIS, 11 février 2005.       

La prise de parole à propos des abus sexuels en général et de l’inceste en particulier, fait aussi des dégâts collatéraux chez les médecins.

Que l’un d’entre nous prenne l’initiative d’un signalement en justice, faisant front face à la banalisation ambiante quand la famille est sous emprise, et il risque de sérieux ennuis. La plainte viendra toujours de la personne mise en cause ; à partir de la souffrance des enfants, de leur parole révélatrice et de leurs symptômes si précoces. En effet si par malchance ou mauvaise défense de ce dossier devant l’instruction, il y a un non-lieu, ou un classement sans suite, le présumé abuseur reprend espoir et attaque tous les témoins qui ont soutenus cet enfant, parce qu’ils ont crus cette révélation et ont agi en conséquence. En premier lieu c’est le médecin qui est attaqué, lui dont le diagnostic a permis de présumer l’existence de ces actes incestueux, délinquants, éventuellement criminels.

Curieusement le Conseil régional de l’Ordre des médecins  va souvent s’associer à cette plainte là. . Les récentes recommandations d e l’ONU ne s’y sont pas trompé en demandant, par son rapporteur spécial, Juan Miguel Petit, que « le Conseil National de l’Ordre des médecins Français revoie de toute urgence ces procédures, de façon à soutenir au lieu de les condamner les médecins qui font part de leurs soupçons de sévices à enfants »( Mission en France du 22-29 Novembre 2002)

Dans ces situations là les arguments les plus éculés sont utilisés, par exemple « l’immixtion dans les affaires de famille » de l’article 51 du Code de déontologie, alors que devant de telles présomptions de maltraitances, sexuelles, extra comme intra familiale, chaque médecin se doit d’ «être le défenseur de l’enfant » voir l’article 43 du même Code, et le secret médical est levé, c’est prévu par les textes.

Il faudrait donc à partir d’aujourd’hui que tous nos confrères le sachent et ne délèguent plus, comme encore il y a peu d e temps, la rédaction du SIGNALEMENT, dans leur service, à quelqu’un de leur équipe. Ce signalement au Procureur de la République est crucial pour l’avenir de cet enfant et devrait donc être un acte de responsabilité médicale majeure, étant donné qu’il s’agit de l’intérêt supérieur de l’enfant et que les droits de l’enfant vont devoir être soutenus dès le début de l’enquête préliminaire. C’est un acte médical de première grandeur.

Parce que ces fameux faits révélés par les troubles de cet enfant ne sont pas si têtus que ça. Ces évènements de l’intimité, ces actes transgressifs de l’adulte ne sont pas toujours simples à dégager. Les Incestes entrent en résonance les uns avec les autres, ceux d’aujourd’hui avec ceux des générations précédentes, mais ce sont des tabous très puissants, camouflés, maquillés, télescopés et toujours actifs entre les générations par la force des déterminismes de l’inconscient et des traumatismes sexuels non soignés.

 On sait bien que des fantasmes, des interprétations hâtives, des délires, au sens psychiatrique du mot, des mensonges doivent être étudiés soigneusement car ils s’imbriquent au récit d’un enfant sous influence ou  sous terreur. Tout ceci rend délicate la saisie d’une telle transgression présumée, dont la preuve clinique n’est pas la preuve juridique. Mais, voici la difficulté, cet enfant garçon ou fille est porteur de honte et de culpabilité massive, son autosacrifice n’est pas loin. C’est là que la décision de signaler est indispensable, que ce médecin soit généraliste pédiatre psychiatre, et que le psychanalyste n’oublie pas qu’il est aussi un citoyen.

Bien sûr nous savons tous que les allusions incestuelles, les harcèlements paternels sans gestes érotiques, les obsessions maternelles, les phobies d’inceste ont aussi des effets pernicieux, et ravageurs sur l’enfant qui en est victime, ce qu’un professionnel doit apprendre à dégager. Mais impérativement sans méconnaître l’inceste passé à l’acte là où il est.

Par contre le soupçon systématique ou à l’inverse la fétichisation de la parole de l’enfant ont déjà fait des dégâts considérables. Parce que les menaces de mort sont fréquentes dans ces familles là et qu’il faut les rechercher, à chaque fois. « Si tu parles je te tue ! » voilà une injonction qui va transformer la vie d’un enfant en  enfer quotidien car c’est la loi du silence qui  prédomine. ( Voir mon article dans Le Monde, 12 Juin 2004, à propos des enfants d’Outreau).

Si par malchance l’expert oublie de poser cette  question à l’enfant sur des menaces éventuelles, et que  devant un hymen intact il déclare tout fier qu’  « il n’y a rien eu », c’est fini pour l’enquête, la fillette est une menteuse, elle ne parlera pas de sitôt (Cette mésaventure n’est pas ancienne, elle date de la semaine dernière).

C’est dans ces affaires là, quand se réunit la section disciplinaire, que le Conseil régional de l’Ordre des médecins sort ses fourches et inflige les sanctions d’interdiction d’exercer temporaires, un mois, un an ou définitives, au médecin-signalant

 Les difficultés de notre amie Catherine Bonnet, soutenue par un collectif de collègues étaient du même tonneau, pour des situations identiques de présomption d’inceste sur mineurs. Si d’autres collègues sont dans le même cas qu’ils contactent le groupe ELCEM, Elus Locaux Contre l’Enfance Maltraitée. (Colloque, le Vendredi 11 Février au Palais du Luxembourg, où étaient présents entre autres personnalités, le Sénateur NOGRIX, Mme Nicole GUEDJ Secrétaire d ’état aux Droits des victimes, Mme MARTINEZ, députée, auteur d’une proposition de Loi.)

Car Il faut attendre que la deuxième instance soit réunie, soit le Conseil NATIONAL de l’Ordre des médecins, présidée cette fois par un authentique magistrat, Conseiller d’état honoraire, pour que le tir de barrage soit corrigé.

Ainsi, deux sanctions me concernant viennent d’être annulées ; l’une bénéficiant de l’amnistie, en effet mon comportement a été considéré comme n’étant pas contraire à «  l’honneur et la probité ». En ce qui concerne l’autre plainte, j’ai bénéficié, enfin, de la récente loi du 2 Janvier 2004, précisant que :

« le signalement aux autorités compétentes des informations, laissant présumer que des violences sexuelles ont été commises  ne peut faire l‘objet d’aucune sanction disciplinaire ».

C’est dans le Code Pénal et pourtant le Conseil régional en Mai 2004 n’en avait pas tenu compte!

Merci à mes avocats.

 Le plus curieux, me semble-t-il, au décours de toutes ces années de procédure Ordinale c’est que les Conseils régionaux n’apprennent rien de leurs expériences pourtant cuisantes, c’est à dire les désaveux cinglants infligés  par le Conseil National lui-même !

Les raisons de ces surdités récidivantes seraient–elles dans la structure elle même de ce système à plusieurs vitesses ?

Question subsidiaire : pour quel Ordre?

 
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