Dr Pierre Sabourin  
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LE TRAUMATISME DE L'ENFANT ET SES DEVENIRS :

ENFANT VIOLÉ, THÉRAPIE DE RÉSEAU

COLLOQUE DE LYON, 28 et 29 Janvier 1999

Expérimentée depuis plus de dix ans au Centre des Buttes Chaumont LA THERAPIE DE RESEAU permet de sortir de l’impasse où nous sommmes placés face à l’enfant ayant subi tous les traumatismes possibles et souvent non imaginables dans son milieu de vie: Syndrôme de Silverman, négligence alimentaires, abus de pouvoir en tous genre, physique, psychique et sexuel, viols agressions sexuelles homo ou hétérosexuelles, atteintes à la dignité humaine, prostitution forcée avec drogue, tortures raffinées d’origine paternelle maternelle ou autre, réseau de pédophilie.

C’est la situation d’INCESTE PASSÉ A L’ACTE qui constitue le point sur lequel j’aimerais insister devant vous, car elle est celle qui soulève le plus de réaction irrationnelles, chez les professionnels chargés de la protection de l’enfance: magistrats, travailleurs sociaux et médecins. En ce qui concerne le corps médical je rapellerai simplement que notre code de déontologie en son article 43 précise :

"Le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’interet de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage". Tout ce quice qui pourrait s’entendre comme une contradiction avec l’article 51 du même code, lequel stipule "de ne pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients" voici un des nombreux padradoxes qui balisent ces prises en charges particulièrement délicates.

Le petit JULES est âgé de onze ans aujourd’hui.Il est placé en foyer sur décision judiciaire et la consultation au Centre est motivée par des comportements sexualisés de plus en plus inquiétants; il appelle au secours en devenant un mineur agresseur sexuel. Nous le recevons à deux thérapeutes, son père sa sœur présents, et son éducateur référent, Ludovic.

I LES FAITS sont les suivants

Un 1er traumatisme majeur: Depuis l’âge de 6 ans il a subi des agressions sexuelles caractérisées de la part de son grand-père paternel. Cette situation incestueuse homosexuelle a été qualifiée par la justice et l’abuseur condamné à une peine de trois ans de prison ferme et 15 mois avec sursis.

2ème traumatisme: un abandon maternel massif : "j’ai refait ma vie" dit-elle au juge des enfants, " c’est trop tard", ce qu’elle argumente en disant que son nouveau mari a déjà deux enfants.Tous les prétextes sont bons pour ne pas aller voir son fils; un jour elle interrompt une visite sans lui dire au revoir; elle ne pense pas, semble t il, à introduire une procédure d’abandon.

3.Au foyer où il séjourne ses attitudes d’agression ses phrases insolentes et désadaptées le font rejeter de tous les groupes qui lui sont proposés; les autres enfants plus jouer avec lui, il glisse les mains sous les jupes des dames de service, il appelle son prof "ma biche", à la piscine il tente de noyer ses copains; il s’essaye au rackett

4.Tous les quinze jours chez son père et sa belle mère il a aussi DEPUIS QUELQUE TEMPS des comportements considérés comme meurtriers à l’égard de son jeune demi-frère, de trois ans François; Il s’assied sur sa tête, l’étouffe., il est à la fois insolent avec tous les adultes et dépressif n’expliquant pas ses gestes. Mais depuis quelques temps le grand-père a purgé sa peine il est donc rentré chez lui, à quelques kilomètres de la famille de Jules.

5 Le Père en apparence très passif contiend mal sa colère d’être avec nous.En nous parlant un peu de sa vie, il nous apprend qu’il a été révoqué de son administration pour avoir bastonné un collègue dans une crise de jalousie; plus tard il se rapellera de sa relation à ses parents.

6 une sœur ainée de Jules,(15ans) présente à cette séance est tout à fait calme.Elle explique qu’elle a décidé de ne plus rencontrer le grand-père car elle a eu à le subir aussi, mais pourtant rien n’a été qualifié par l’instruction; elle est parfaitement crédible dans son récit et sa détermination.

Voilà des faits des evènements dont nous, les deux thérapeutes, prenons acte grâce au récit des éducateurs présents, ce qui motivera le père progressivement à évoquer ses propres moments de violence récents et surtout anciens

II LA VIE PSYCHIQUE DES PARTICIPANTS pourrait se chématiser ainsi

J ULES est habité par un sentiment de peur, des conduites d’évitement,et des provocations multiples et inprévisibles (mémoire en miettes identité fragmentée) :

au moment de la coupe du monde il représente tous les joueurs en écrivant c’est moi Fabien, c’est moi Eric , c’est moi, c’est moi… Activité fantasmatique extrêmement pauvre et stéréotypée, comme cela se démontre dans l’image du corps de ses dessins.

Sa position D’IDENTIFICATION A L AGRESSEUR est manifeste mais inconsciente; une étape immédiate du traitement va consister à faire prendre conscience à son entourage bienveillant et à lui, de cette forme de TROUBLES DISSOCIATIFS DE L’IDENTITÉ.

Quand on lui demande pourquoi il a fait ça, quand il regarde sous les jupes des femmes de service, touche et fait sentir ses mains à ses copains, il répond " je ne sais pas "puis reste mutique et lève les yeux au ciel , s’absente du contact, tourne la tête,répond par monosyllabe.

Nous apprenons que le mécanisme de défense de son grand-père abuseur a toujour été de ce type. Depuis qu’il est sorti de prison il répète qu’il "ne sait pas pourquoi il y était"( voici un désaveu caractérisé)

Jules est attendrissant pour tout le monde , avec son air abattu son grand sourire intelligent, chute scolaire massive, son dessin spontané est un grand robot terrifiant, aucun signe de psychose mais PTSD ,(évitement, dissociation d’identité:D.i.D.), comme décrit dans le DSM IV.

III LES TRANSACTIONS INCESTUEUSES sont de première importance à étudier pour saisir les doubles liens qui constituent les échanges de cette famille

Un jour le grand-père surprend l’enfant qui se masturbe:" Tu veux que je t’aide?"lui dit –il ; c’est encore le grand père qui dicte sa règle perverse à l’enfant!!

Une complicité du père de Jules avec son propre père est plus subtile ; il est le premier surpris quand nous apprenons qu’il va tous les 8 jours chercher le linge sale du grand père qui vit non loin de là et qu’il lave le linge de toute la famille dans la même machine à laver. Le père de Jules FAIT SEMBLANT d’avoir coupé les ponts avec son père;

Donc deux authentiques DOUBLES LIENS

Le GP abuseur soulève la question du DÉSIR DE L’ENFANT D ETRE AIDÉ!!

Comme s’il n’avait pas lui même été incarcéré pour ses propres pulsions sexuelles passées à l’acte…

Nous apprenons que père de Jules dans sa propre enfance a vécu des violences de son père sur sa mère .Un jour il s’est opposé à lui avec un couteau de cuisine pour l’arrêter..;

Aujourd’hui il maintiend qu’il a rompu avec l’abuseur de son fils mais en faitr il manifeste une loyauté invisible à ce dictateur familial, il lui fait sa lessive, comme soumis encore à son autorité.

IV L’ETHIQUE CONTEXTUELLE est en faillite depuis plusieurs générations.

La loi de l’’interdit de l’inceste n’a pas de signification claire pour cette famille , cet interdit est remplacé par des règles intrinsèques, qui dans ce milieu ont fonction de loi.

Le GP de Jules ne reconnaît pas les raisons de son incarcération :"La justice s’est trompée" dit-il, ce que rapporte le père, sans aucune critique par rapport à cette position, donc en collusion inconsciente avec les transgressions homosexuées et incestueuses de son propre père

Troisième double lien de cette violence impensable qu’il continue à subir, la mère ne veut plus le voir mais lui souhaite la bonne année, véritable "cicatrice super archi traumatique", (pour reprendre la formule de Ferenczi) que Jules doit encore subir.

Des menaces seront retrouvées de la part du grand père quand il masturbait son petit fils, lui demandait de le sucer, menaces de mort qui organisent depuis longtemps l’obeissance la soumission et l’interdit de parler.

Le résultat chez ce petit Jules est d’abord une rechute de ses conduites perverses-perverties polymorphes depuis le retour du grand père, lequel continue à faire la loi pour son monde; sa petite fille seule semble savoir se protéger.

LA HAINE LEGITIME que Jules manifeste sur tous les corps qui passent à sa portée, (femmes adultes et enfants) n’est pas chez lui assumée sur un mode psychopathe mais comme l’attitude de l’agresseur en lui ( l’adulte dans l’enfant )qui peut retourner ses pulsions en son contraire (et un jour se retourner contre soi) , car alors de passif il devient actif, et son économie libidinale est moins angoissante à supporter, ses positions sacrificielle s’organisent , les punitions s’accumulent, sa culpabilité inconsciente dilminue alors.

L’oubli sera tentative de refoulement, les sublimations pour plus tard.

Une autre citation de Ferenczi désigne depuis 1932 cette difficulté majeure de l’enfant non protégé, de l’enfant de malade mantaux ou de l’enfant comme Jules EXPOSÉ aux conduites criminelles de son ascendant: sa position inconsciente est qualifiée :

D’"AUTO SACRIFICE DE L’INTEGRITE DE PENSÉE DE L ENFANT POUR MIEUX SAUVER SES PARENTS’, c’est à dire sauver le parent idéalisé.

Cet auto sacrifice est le centre de ces effets pathogènes quand l’inceste est passé à l’acte.

Et la série des dessins de Jules montre ses personnages comme en fil de fer, comme des pièces de puzzle, de face sans différenciation sexuelle posible; Il s’applique pour sortir de ces stéréotypies mais la régression formelle de son graphisme donne à voir les automatismes de répétition dans les quels il se trouve pris au piège.

C’est là que la thérapie de réseau prend tout son sens pour bien repèrer les champs différentiels

-- des faits, soit ce qui relève de la vérité historique avec le problème de la mémoire,

-- de la vie psychique des interéssés,(chez jules mais aussi dans son antourage)

-- des transactions intrafamiliales (repérant les doubles liens sur les génétations précédentes)

-- et du rapport à la loi.(qui est ici en faillite)

Pour ne pas se perdre dans des illusions de thérapie individuelle d’abord, il est impératif d’ articuler le médico siocial et le judiciaire dans la champ thérapeutique lui même.

Ainsi est évité le morcellement qui ne pourrait que profiter aux systèmes abusifs lesquels divisent pour mieux régner, (avec trangressions, mystifications, menaces).

La thérapie individuelle viendra ensuite, chez l’enfant ou l’adolescent qui a pris la mesure de sa qualité de victime (de qui et de quoi) pour que sa position sacrificielle puisse s’arrêter et que sa culpabilité inconsciente soit enfin médiatisée par le travail de thérapie.et les sublimations possibles.

DESSINS

On peut en saisir une évolution grâce aus témoignages de ses dessins les uns spontanés les autres dans une série d’indication permettant la MISE EN FORME ET LA MISE EN SCÉNE des éléments les plus conflictuels pour lui

Différents des tests Américains comme le TEDS( Trumatic Event Drawings Series) de Burgess et Hartman,ou du CHAD ( Childhood Hand that Disturb), nous essayons dans le cours de ces thérapies de faire évoluer les dessins spontanés vers une représentation moins régressive.

Les commentaires visent surtout à focaliser l’identification à l’abuseur qui est au cœur des dissociations de son identité.

1 Dessins hyper schématique du corps fil de fer avec le contact sexué imposé par le GP

2 série impressionnante de corps-puzzle pour représenter ses propres agressions sadiques sur son demi-frère, où la tête de l’enfant au carré s’encastre dans son propore entre jambe

3une scène à la patinoire où le visage de celui qui tombe est en rouge

4tentatives de différenciation des sexes très approximative (évitement)

5tentatives de revenir sur l’acte d’abus sexuel subi avec menaces du GP et du dessin du contact lui même; d’abord les tailles des deux (abuseur et abusé) sont identiques (identification à l’abuseur), que nous réussissons à lui faire modifier..les peids du lit en fausse paerspective…

6nombreuses scènes à la piscine où l’appel au secours est représenté spontanément, les perches des moniteurs, les maillots

7 derniére étape la possibilité d’être pris dans les bras par Ludo l’éducateur à lunettes

seule image de représentation de tendresse protectrice, porteuse de salut.

Comme un deuxième éducateur va s’associer au travail de celui-ci, le travail en thérapie consiste à présenter au nouveau l’élaboration difficile qui a permis les premiers progrès.

Mais à la dernière séance le père n’a pas pu ou voulu venir, nous apprenons avec satisfaction qu’il aurait stoppé les lessives familiales! C’est déjà beaucoup pour lui pour l’instant, car des ennuis conjugaux ressurgissent, sa femme voudrait encore le quitter..;

Toutes les thérapies ne sont pas aussi dangereuses que celles de Jules.

Quand l’inceste est flagrant reconnu qualifié, passé à l’acte dans une seule ou dans les deux lignées familiales de l’enfant, depuis trois générations connues, banalisé par les acteurs et les victimes elles mêmes car elles reproduisent la situation, c’est l’ensemble intergénérationnel qui devra être requalifié par rapport à la loi d’interdit de l’inceste.

Mais que faire quand il ne s’agit que d’allégations, de présomptions de doutes?

Le médecin ne peut pourtant pas travailler sans l’appoint du judiciaire; il est délié du secret médical par l’article 226-14 du Code Pénal quand il "porte à la connaissance du Procureur de la République les sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de PRÉSUMER que des violences sexuelles de toute nature ont été commises"Le médecin est donc là pour signaler sa présomption.

Mais cette situation hors la loi n’est pas toujours facile à faire admettre car nous sommes dans la PRÉSOMPTION ET TOUTE LA QUESTION DIAGNOSTIQUE se pose au généraliste au psychiatre, au psychanalyste, comme la qualification de l’acte va se poser aux brigades des mineurs,et aux magistrats, quelquefois aux avocats d’enfants qui ne parviennent pas à croire à la véracité de tel ou tel récit.

Mais pour ce signalement nous ne sommes pas réduits à du récit, à du discours ou à la parole de l’un contre la parole de l’autre. Cet argument est typiquement celui de l’abuseur et de son système de défense.

Justement l’examen psychiatrique de ces enfants nous apprend que tout UN SYNDROME EXISTE que je désigne S A S P M (Syndrôme d’abus sexuel présumé sur mineurs), d’où l’importance de l’expertise, pour repérer les transactions dans ce milieu familial MENACES ET CONTRAINTES et PERVERSIONS, MYSTIFICATIONS CHANTAGES OU FAMILLE CHAOTIQUE LE TOUT SUR UN TISSU RELATIONNEL DE MALTRAITANCE.

Les signes cardinaux de cet ensemble syndromique sont les suivants :

1.La parole spontanée de cet enfant sur la sexualité d’un adulte,parole de scandale!

2.Les signes indirects de sa souffrance: jeux sexués, provocations, dessins spontanés,.

3.Ses symptômes comme des masturbations compulsives, des phobies récentes, des régressions, des troubles caractériels, le rejet de son patronyme

4.Le contexte de son milieu de vie dont le plus répandu est assimilable à une dictature intra-familiale de type patriarcale où sont de règle: intimidation obeissance humiliation.

Enfin pour utiliser ce tableau clinique tel que je le présente là, après ce détour médico-judiciaire il convient de faire, une mise au point psychanalytique.

Le testament de Freud est sans aucune ambiguité: Dans son ABRÉGÉ DE PSYCHANALYSE, en 1939 sont opposés les enfants PROTÉGÉS les quels vont développer leur complexe d’Œdipe et le résoudre sans difficultés et les enfants EXPOSÉS à toutes les formes de maltraitance, (comme Jules), ce qui donnera plus tard les névroses, psychoses et perversions.Si Freud est encore interéssé à la fin de sa vie par le développement théorique de l’enfant dans son milieu naturel protecteur, il est flagrant que pour nous cela ne devrazit pas nous décourager à lire ce qu’il a écrit à propos des pathologies trumatiques ..

Il me semble que nous ne pouvons plus nous débarasser de ces problèmes en les considérant comme des "cas sociaux" mais qu’au contraire nous avons à gérer ces traumatismes incestueux sans les désavouer et en prenant les dispositions conséquentes.

Avec FERENCZI et ce que j’ai recensé comme les douze concepts incontournables pour le traitement psychanalytique des abus sexuels précoces,( à paraître dans le prochain numéro de la revue Coq-héron) nous avons tout l’appareil théorico-clinique dont nous pourrions avoir besoin.

Quand la confusion des langues est à son comble entre les adultes et l’enfant il faut s’apercevoir que résoudre spontanément son complexe d’oedipe est impossible à ces enfants là .

A nous de les aider par le réseau qui peut se mettre en place autour de lui, non pas pour faire le diagnostic mais pour sa thérapie.

 
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